∞ don't treat me like a beast ∞
Aidan & Adriel

Depuis combien d'heures écumait-il les alentours, à la recherche d'un endroit où se poser, où calmer ses ardeurs de prédateur ? L'aube allait se lever dans quelques temps seulement, et il n'avait toujours aussi faim, le maigre repas qu'il s'était offert en la personne d'un lapin et d'une belette ne lui suffisant pas. Cette nuit de pleine lune avait été la plus calme depuis son arrivée à Roseburg. Aucun autre loup n'avait croisé son chemin, ni aucun chasseur. Pour la  première fois, il s'était enfoncé au plus loin dans la foret luxuriante qui longeait la ville. Peut-être était-ce la raison de cette nuit solitaire, où il avait pu arrêter de se méfier quelques heures.
Quand il endossait le masque du loup, Adriel se sentait vivant, plus libre que jamais. Rien ne lui faisait plus plaisir que de sentir le vent fouetter son museau lorsqu'il courrait au sein de la végétation. En communion avec sa seconde nature de druide, tout en étant conscient de son humanité, être un loup était à ce moment précis une bénédiction. Mais cela n'était que lors des pleines lunes. Quand l'astre de la nuit n'était qu'un quartier, la bête qu'il haïssait tant, cette abomination que beaucoup pensait inexistante, devenait maitre de son corps et de son esprit.
Adriel avait été l'un de ceux qui contrôlait au mieux l'ulfhednar, réputé en Islande pour la maitrise de ce don hérité. Il n'excellait pas en tant que druide, loin de là, mais au moins, il était capable de ne pas se transformer les nuits de lunes et d'attendre qu'elle deviennent pleine pour devenir un loup comme les autres. Mais maintenant, tout avait changé, il était devenu incapable de résister à la puissance mortelle que lui offrait son pendant bestial. Au risque de tuer.
S'arrêtant de courir en une fraction de seconde, le loup leva le museau, humant une odeur à la fois familière et étrangère. Une odeur âcre, mêlée à de la sueur et à une flagrance que lui seul pouvait reconnaitre. Alors que la nuit entière avait été d'un calme olympien, l'odeur ne pouvait être que ce qu'il pensait. A quelques kilomètres de lui, un autre de son espèce rodait. Et s'approchait.

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Aidan & Adriel

Le loup fut comme une apparition, un fantôme se mêlant à la vision aiguë d'Adriel. Il était plus petit que lui, surement du à une certaine jeunesse. Mais une certaine maitrise émanait de son regard, un contrôle sur son comportement. Il était a une bonne dizaine de mètres, lui aussi immobile. Au moins, il était assez intelligent pour éviter de s'approcher d'un loup inconnu, ce qui était un bon point. Leurs odeurs respectives ne laissaient rien au hasard et si Adriel savait que le loup n'en était pas un, ce dernier en était tout à fait conscient aussi. Leurs regards sombres s'entrechoquaient, leurs pupilles se dilataient, mouvant au rythme de leurs battements. Alors qu'aucun ne bougeait l'esprit d'Adriel était lui en pleine effusion. Devait-il s'approcher ? Fuir ? Se battre ? Il lui était arrivé à de nombreuses reprises de se laisser aller à ses instincts de prédateurs envers un autre loup quand il était adolescent. Mais cela faisait des années qu'il n'avait pas été au centre d'un réel combat. Lui qui était ulfhednar de sang, qui avait débuté son entrainement dès son enfance, était devenu aussi faible qu'un gamma au sein d'un pack de loup-garou. Pathétique. Absolument pathétique
D'un mouvement, Adriel avança une patte. Puis une autre. Tournant a 90°, il commençait à tracer un cercle autours de l'autre loup. Il serait stupide qu'ils se battent pour un bout de territoire alors qu'ils étaient de la même espèce. Mais s'il le fallait, l'héritier islandais devait être prêt à bondir à la gorge de son adversaire, à arracher la peau protégeant son artère principale, pour le vider de son fluide vital. Ce qu'on lui avait enseigné était encore ancré dans son esprit, telle une empreinte indélébile. Il savait se protéger. Il savait se battre. Il savait tuer.

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Aidan & Adriel

Une patte devant l'autre, marchant lentement, la gueule fermée, la tête bien haute. Adriel avait peut-être perdu le contrôle de l'autre bête mais le loup en lui était plus majestueux qu'il ne l'avait jamais été. Le poil sombre brillant, clairsemé de quelques touffes plus claires, les pattes épaisses, le muscle saillant, il tirait ses trait lycanthropiques de son héritage familiale. Il se rappela que son père avait le même pelage que lui et avait cette même façon de mouver autours des autres, gardant le regard ancré dans celui de l'adversaire et marchant, tel un roi sur ces terres. Adriel n'avait peut-être pas sa puissance, mais il avait son charisme. Quand il était encore un jeune adolescent, il avait pris la fâcheuse habitude de marcher la tête baissée, les yeux rivés sur le sol, comme un être humain lambda n'ayant que peu de confiance en lui. C'était un comportement impensable pour un loup, encore plus pour un Ulfhednar de sang. Colh Blackson lui avait alors appris à se comporter comme un véritable animal, fier de ce qu'il était lors des pleines lunes. Chassant de son esprit ce à quoi il venait de penser, il se focalisa de nouveau sur l'étranger. Et son attitude changea la donne. S'abaissant sur le sol, la tête posée quelques instants sur ses pattes, l'autre Ulfhednar faisait passer un message, exprimant sa volonté de ne pas se battre. Soufflant intérieurement, Ariel cessa sa ronde prédatrice et s'approcha en quelques pas de son homologue. Ils n'étaient qu'a deux mètres l'un de l'autre, mais à présent, il n'était plus question de protéger son territoire ou de se préparer à combattre.

Humant l'odeur de l'autre loup, Adriel comprit qu'il était bien plus jeune que lui et certainement pas de sang ulfhednar. Mais son contrôle l'intriguait énormément. Il devait lui parler, savoir qui l'avait mordu et s'il faisait parti d'une meute, bien que l'idée d'un pack d'Ulfhednars était nouvelle.
Inconsciemment, il avait été guidé vers Roseburg pour répondre à leurs appels, pour enfin s'enrôler et montrer l'existence des Ulfhednars aux espèces qui les avaient trop longtemps insulté, châtié et oublié. Même si Adriel n'était pas en total accord avec cette envie de suprématie, le combat était inévitable. Et la bête qui sommeillait en lui était tout sauf apeurée par cette évidence.
S'asseyant sur ses pattes arrières, l'héritier Blackson attendait que l'aube se lève. Il ne leur restait que quelques minutes dans cette enveloppe animale, et pour le moment, Adriel ne souhaitait pas communiquer sous cette forme. Bien que l'idée d'être nu devant un étranger ne lui plaisait guère plus.

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Aidan & Adriel

Il y avait quelque chose d'unique dans chaque transformation. Certains sujets la vivaient correctement, faisant presque communion avec leur homologue animal. D'autres au contraire, n'acceptant pas leur nature, souffrait le martyr dès que les lueurs caressaient leur pelage. Adriel était entre les deux, acceptant le loup qui sommeillait en lui lors des pleines lunes mais refoulant le monstre qui se découvrait chaque soir. Alors quand l'aube se leva, laissant la lune prendre son repos quotidien, Adriel sentit chaque parcelle de sa peau se tendre, ses muscles se bandant au contact des rayons lumineux. Son dos se cambra, puis s'arrondit de nouveau pour finir par craquer et reprendre forme humaine. Le pelage disparut, laissant place à une peau d'albâtre. Le plus douloureux était certainement de retrouver ses mains, les griffes devenant des ongles, les pattes s'allongeant encore et encore.
Un dernier craquement et il se retrouva debout, aussi nu qu'a la naissance. Le visage perlant de sueur, il ancra sans regard clair dans celui sombre de son interlocuteur. Il avait l'air terriblement gêné, essayant de se cacher à l'aide d'une feuille d'arbre. Peut-être était-ce l'habitude de se retrouver dans une telle position, mais Adriel trouvait ça presque adorable de le voir se tortiller. "Euh... Salut" fut la seule chose qu'il lui adressa. Lorsqu'il redevenait humain, Adriel retrouvait ses anciennes habitudes, en particulier celle d'observer et d'écouter. Il n'était pas de ceux qui prenait la parole en premier, préférant attendre le bon moment. L'hériter Blackson fixait toujours l'inconnu et après quelques minutes d'observation, ouvrit enfin la bouche "J'en ai vu d'autres, ne t'inquiètes pas."